Poupoupidou... pou

par Jean-Michel Salvador  -  9 Juin 2015, 14:19

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Elaine Sturtevant est connue pour être la première artiste à s’être littéralement appropriée les œuvres de certains de ses congénères américains en les… répétant, c'est-à-dire en refaisant à l’identique les gestes de leur production, et non en imitant simplement le style ou la manière de leur auteur. Une interrogation sur la (re)production des images dans notre société, qui bien entendu ne pouvait pas passer à côté de la fameuse série des « Marilyns » d’Andy Warhol. Ce dernier, qui appréciait ses idées provocatrices, lui donna même ses écrans de sérigraphie, afin qu’elle puisse en toute liberté « refaire » ses fleurs ou ses Marilyns et mieux « dé-faire » la belle histoire de l’original en peinture savamment tissée par l’histoire de l’art occidental depuis des siècles. Où l’on aura compris qu’il s’agit d’atteindre à la sacro sainte non reproductibilité des… dessous en peinture (de leur fétichisme et de tout ce que l’on est prêt à faire et dépenser pour posséder un original).

 

Elaine était une iconoclaste qui voulait supprimer le culte des images saintes. Et Marilyn était évidemment l’icône « appropriée »… à dupliquer. Un morceau de choix… La divinité qui se monnaiera en quelques milliards de copies plus ou moins conformes.

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Où il s’est agi pour Andy comme pour Elaine d’user jusqu’à la corde, encore et encore, de la sérigraphie et de ses passages couleurs. Dans un mouvement de rotative perpétuelle, une reproduction de la reproductibilité impersonnelle et sans fin.

 

Pour que la couleur sature et tourne à l’informe. Que tout finisse par se décaler. Que tout se délite. Que le rimmel coule et que le rouge à lèvres déborde de partout.

 

Ainsi, après de nombreux passages, volontairement non nettoyées, les maculations, les taches, les pâtés d’encre finirent par prendre le dessus… des dessous de la machine.

 

Des maculations aux configurations louches s’étendent sur le visage…

 

Les trous noirs des yeux sont comme des flaques floues...

 

C’est pour le moins pousser le maquillage jusqu’aux… stigmates.

 

Elle qui vivait dans la terreur que le rimmel ne lui coule sur le visage comme de l'encre.

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Michel Thévoz voit quant à lui les sérigraphies de Marilyn, avec son visage figé par le maquillage en masque iconique, comme les essais manqués du voile de Véronique.

 

Véronique est celle qui essuya le visage du Christ sur le chemin du calvaire. La Véronique… désigne en fait au départ le linge sur lequel s’était déposée l’empreinte de son visage. Linge souillé de sueur et de sang. Mais un linge qui porte la Vera Icona, la vraie image selon une étymologie populaire (même si le nom Véronique est probablement plutôt une latinisation de Bérénice, qui porte ou qui va à la victoire, les icônes comme les reliques servant à l’origine de palladium pour les armées byzantines en campagne).

 

Vrai faux ou faux vrai. Elaine Sturtevant sourit dans son coin.

 

C’est au second concile de Nicée, en 787, que les iconophiles ont triomphé des iconoclastes et aussi bien des idolâtres, en faisant valoir que l’hommage rendu à l’icône allait ou devait aller au-delà... au prototype, au modèle, dans ce qu’il a d’idéal et de surréel. Pour Nicéphore, il fallait voir celui qui est mis en icône s'y refléter comme dans un miroir.

 

Selon Jean Luc Marion l'icône tente de rendre visible l'invisible, de permettre que le visible ne cesse de renvoyer à un autre que lui même, sans que cet autre ne se reproduise pourtant jamais en lui. Où il s'agit de l'inenvisageable... du visage. L'icône montre toujours un regard à visage humain qui a en propre de regarder.

 

Mais il y a dans les icônes ce que l’on peut y voir et que les autres ne voient pas. Une Chose, comme un ver blanc, hanterait-elle le miroir de l'icône?

Montage perso autour d'un crucifix de Cimabue

Montage perso autour d'un crucifix de Cimabue

Alexandre Leupin a vu une chose dans l’art byzantin et italien, que personne n’avait vue jusqu’à lui : dans la figuration chrétienne, vers le Xème siècle, sur le corps du christ baptisé ou crucifié surgit quelque chose qui évoque un phallus en érection... Une évocation optique, qui se soustrait à la perception aussitôt qu’elle a été entraperçue. Cette chose qui  fait exister le phallus par allusion, mais dont la forme n’en est pas moins concrète, voile et renvoie à une abstraction, une inconscience (puisqu’il n’apparaît que pour aussitôt se dérober).

 

Cimabue peignait à la manière grecque. Des byzantins il a hérité cette technique du clair obscur qui lui a permis de bien délimiter les volumes et d'hyper développer les abdos du Christ, augmentant ainsi le contraste du contour sombre de la Chose avec le fond lumineux du reste du corps.

 

Francis Bacon voit lui un Christ de Cimabue comme un gros ver blanc. « Vous connaissez la grande crucifixion de Cimabue ? L’image d’elle que j’ai toujours en tête, c’est celle d’un ver rampant vers le pied de la croix. J’ai essayé de faire quelque chose de l’impression que m’a donnée parfois ce tableau : cette image bougeant, ondulant vers le bas de la croix. » Cela a donné le panneau de droite très trash des trois études pour une crucifixion de 1962.

Montage perso autour d'un crucifix de Cimabue et du panneau droit des "trois études pour une crucifixion" de Francis Bacon

Montage perso autour d'un crucifix de Cimabue et du panneau droit des "trois études pour une crucifixion" de Francis Bacon

Mais il est également important de voir que la Véronique est une icône acheiropoïète, c'est-à-dire non faite de main d’homme. Et Andy Warhol qui a fait confectionner mécaniquement les Marilyns par ses amis de la factory, n’y a pas mis la main. (Il avait d’ailleurs une phobie du toucher, filmant sans cesse des scènes de cul trash sans jamais y mettre la main, laissant croire qu’il aurait pu être vierge : « Le sexe est plus excitant sur l’écran et entre les pages qu’entre les draps »).

 

Dans les Marilyns de Warhol, la blondeur superlative des cheveux, le fard des paupières et des cils, le fond de teint, le rouge à lèvres donnent l’impression d’avoir été transférés directement du visage à la toile comme si, celle-ci, avait fait office de buvard, ou de suaire. On aurait pu obtenir une image assez semblable en appliquant réellement sur son visage un linge imbibé d’un solvant puissant qui eut absorbé fard, fond de teint, maquillage et teinture… opération iconoclaste mais qui eut produit paradoxalement une effigie plus vraie que le visage dès lors décoloré du modèle.

 

On aurait affaire avec Marilyn à une Véronique contre théologique saturée par le look, l’effigie sérigraphique absorbant ou résorbant ce qu’il y avait déjà de sérigraphié dans le modèle.

 

Mais, toujours selon Michel Thévoz, cela ne peut que nous faire penser à la fameuse petite robe bleue de Monica Lewinsky. Relique précieusement conservée par une femme qui essuya précieusement le corps de son idole. Maculations… Composition acheiropoïète s’il en est (bucco ou laryngopoïete en fait !). Si la Véronique chrétienne part du corps, de sa sueur, de son sang pour annoncer l’ascèse, la spiritualité, la transcendance, la Véronique du procureur Kenneth Star part de la fonction présidentielle des USA, symbole de l’omnipotence planétaire, pour la disqualifier et n’en laisser subsister que l’image d’un pantalon baissé. Où il s’agit comme dirait Baudrillard de la mascarade et de la carnavalisation de la puissance. C’est le défi lancé au monde par le cynisme américain, cette forme extrême de dérision et de profanation des valeurs dans l’usage démesuré de tous les signes. Une obscénité radicale, une impiété totale (pour un peuple par ailleurs religieux, entre guillemets), une vulgarité phénoménale dont nous jouissons et qui est le secret de l’hégémonie mondiale.

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Si dans les icônes la chair n’est là qu’avec la couleur, dans une réitération du miracle de l’incarnation, dans la peinture italienne il s’agira, selon Didi Huberman, sur certains panneaux abstraits (de faux marbres) d’imiter, non l’aspect, mais le procès (et là Elaine Sturtevant nous sourit de plus belle). Qu’est ce qu’un pinceau qui cherche à imiter… l’essentiel au delà ? S’agit-il de teindre pour rejouer l’incarnation ? Non, c’est plutôt le geste simple, humble de déposer ou projeter un liquide coloré sur une paroi. « Et frigida saxa liquido spargemus. » Et nous aspergerons de liquides les froides pierres… du tombeau. Onction du regard. C’est la paroi de la grotte de la nativité à Bethléem. La terre y est naturellement rouge mais constellée d’une pluie de taches blanches. « Le Christ cracha du lait ( !?) et la vierge très pure, l’ayant essuyé, le rejeta sur la muraille… Poudre précieuse et miraculeuse. La relique du lait de la vierge !? Les pans de murs, comme les pans de la madone sont surfaces de contemplation. Où il s’agit d’affirmer la pure frontalité au point d’y provoquer un acte d’incorporation: faire passer le devant opaque dans un dedans lumineux. Plonger dans l'essentiel.

 

De quoi nous faire « réfléchir », encore et encore, aux maculations… de la Sainte face ! Et comme toujours ça peut déraper. La face du Christ couverte de crachats dont le regard accuse les hommes, c’est une icône - si l’on ose dire - essentielle de la prédication des grands pasteurs réformistes. C’est aussi le délire typique de la névrosée obsessionnelle (ici une patiente de Maurice Bouvet) qui voit des organes génitaux en lieu et place de l’hostie et qui dans ses rêves écrase la tête du christ de ses talons. Elle rapporte que chaque matin pour se rendre à son travail, elle passe devant un magasin de pompes funèbres où sont exposés quatre christs. « En les regardant, j’ai la sensation de marcher sur leur verge. J’éprouve une sorte de plaisir aigu et de l’angoisse. » C’est Montjouvain et la profanation du père mort depuis peu. « Sais-tu ce que j'ai envie de lui faire à cette vieille horreur ? ».  La lesbienne de Proust ne peut jouir sous la langue de sa compagne que sous le portrait « craché » de son père.

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

Version perso d'une Marilyn de Warhol (ou de Sturtevant)

L’icône ressortirait donc du tachisme.

 

Sourire aux dents blanches. Une moue qui fait des bulles, poupoupidou pou.

 

Bouche rouge arrondie en un O suceur parfait.

 

Le peintre expressionniste De Kooning avouait: « j’ai découpé beaucoup de bouches dans les magazines et les publicités. » Il commençait toujours ses « women » par une bouche… une sorte de nœud coulant… et ensuite, pris de frénésie, le « all over » s’emparait de lui pour conjurer le gouffre évoqué.

 

"... mais sa bouche pourrait être utile, et pourrait servir de décoration, à la manière de la proue élégante d'un yacht ou de l'ornement en argent d'une Rolls Royce." (JC Oates). Une moue qui se démarque, comme une figure de proue, de la peau pâle et lumineuse et des yeux bleus cobalt de cette poupée de luxe.

 

"Là bas, sur le capot de cette Silver Ghost

De 1910 s'avance en éclaireur

La Vénus d'argent du radiateur

Dont les voiles légers volent aux avant-postes...

... Prince des ténèbres, archange maudit,

Amazone modern style que le sculpteur,

En anglais, surnomma Spirit of Ecstasy...

... Melody Nelson a des cheveux rouges

Et c'est leur couleur naturelle." (Gainsbourg)

 

Pin-up dont la bouche prend la forme d’une ventouse, ou bien qui, ouvrant d’un seul coup tous les boutons de leur corsage pourraient faire jaillir brusquement leurs seins… des leurres brillants, roses, bleutés.

 

Des seins qui pointent comme des obus. C’est l’obsession mammaire des sixties, un véritable fétichisme collectif. Célébration du pouvoir totémique des pin up… Les globes exerçant sur l’ère des cadillacs et des fusées spatiales une emprise totale.

 

"Une cadillac 1951 couleur citron, une berline décapotable à la large calandre chromée ricanante et aux ailerons évasés. Pneus à flancs blancs... telle une boisson tropicale de cauchemar version verre et métal." (JC Oates).

 

"Effleurant inconsciemment (consciemment?) ses seins tout en parlant. Il lui arrivait de se caresser carrément avec lenteur, pensivement, comme si ce mouvement circulaire faisait partie intégrante de la réflexion, la main au creux du ventre, le sexe quasiment dessiné par ses costumes moulants... comme si elle se masturbait devant vous." (JC Oates)

Marilyn, Marilyn

Marilyn, Marilyn

Warhol insultera toutefois Hollywood et sa fausse pudeur froide par une polychromie faciale digne des papous dans certaines de ses Marilyns colorées, masques tribals, masques fauves. Dans un feu d’artifice éclatant. Pour mieux ébranler la peinture et son histoire si indissociables d’une recherche de la vérité dont la nature a longtemps constitué l’ultime référence et l’unique critère pour mettre en coupe réglée sa part maudite de cosmétique. Sublime et stupide pensée qui en refusant d’accorder la moindre légitimité aux plaisirs de l’artifice, l’a contraint à se maquiller en nature.

 

"Combien de temps la blonde sourit, sourit, sourit, la bouche douloureuse comme un masque heureux aurait mal s'il avait de la chair et des nerfs. Il y a quelque chose d'horrifiant dans les masques heureux que personne ne veut reconnaître." (Joyce Carol Oates).

 

Mais attention il y a aussi de l’artifice dans le… blanc!

 

Is there anybody out there derrière le barrage bariolé?

 

La peau de Marylin se dérobe.

 

Flash sur la sainte patronne de la photogénie qui détenait le monopole de l’aura chimique artificielle.

 

Au fil de sa vie, les aventures de la blondeur de Marilyn auront été un trajet vers la blancheur… A la fin sa chevelure n’est plus qu’un nuage vaporeux et phosphorescent (et cela ne pouvait échapper au blanc fantôme Warhol : « Je suis obsédé par l’idée que je vais me regarder dans le miroir et que je ne verrai personne, rien »). Décolorer le blond, le faire disparaître, ce cheminement pourrait s’apparenter à une volonté d’effacement de la part d’une star traquée, mais il provoque l’effet contraire : l’attraction est plus forte encore, le regard pris dans les phares de cette masse aveuglante.

 

Un corps où se livre une bataille insoutenable entre la chair opaque et la lumière. Une icône !

 

Voire une idole qui selon Jean Luc Marion dissimule sa fonction de miroir invisible dans l'éclat de sa lumière. Une splendeur qui arrête l'intentionalité (la visée) du regardant... comblé, figé. Au delà se referme plus encore que l'invisible,... l'invisable (un invisible supposerait que s'y étende une visée encore obscure).

Marilyn, Warhol

Marilyn, Warhol

Marilyn... photomaton (Warhol, Sturtevant... ?)

Marilyn... photomaton (Warhol, Sturtevant... ?)

Et Jakuta Alikavazovic qui nous entraîne dans un étrange délire. « Elle portait du blanc, ses cheveux étaient blonds platine, vaporeux… Elle le baisa dans les toilettes, sous les néons, dans une lumière qui ne pardonnait rien. »

 

« Elle était vendeuse dans un magasin de luminaires. La nuit venue elle s’en servait comme garçonnière… Elle écartait les jambes… sans pudeur, sans jamais éteindre la lumière… dans un magasin de lampes… Une orgie d’électricité. Elle se donnait non seulement à prendre, mais aussi à voir. Son plan était machiavélique. Faire voyager son image mentale, la disséminer comme du pollen… Multiplier son image mentale dans la tête de ces hommes de passage. »

 

Et elle avait un faible pour les américains… ces grands ravis de la crèche aux belles dents blanches, gavés au fluor dès leur plus jeune âge…  le fluor permettant peut être d’assimiler durablement votre image, votre souvenir, cette espèce de minéral essentiel.

 

Une blonde évaporée fascinante.

 

Un fantôme que Tony Curtis évoquant le tournage de « Certains l’aiment chaud » nomme MM, Missing Marilyn, la blonde essentiellement manquante.

 

La blonde ultime qui a construit son mythe de blondeur comme un tombeau.

 

Et sa peau était d'une blancheur saisissante, comme celle d'un cadavre embaumé, vidé de son sang." (JC Oates).

 

Un de ces anges blancs qui finissent mal. “Once he made her stand in front of a white cement wall by the highscholl in the full noon light, so that her bangs (franges) look like white raw (paille), and her blue eyes like the eyes in a statue, and the bones of her square serious face appeared to be stone beneath her skin. He entitled the photograph « Angel ». » Et le corps de la Lucy de Philippe Roth sera découvert congelé, enseveli dans la neige, en haut d’une colline qui s’appelle... passion paradise.

 

Une blonde sur papier glacé.

 

"Ses yeux troublants d'un bleu translucides d'océan hivernal, houleux et semé d'éclats de glace." (JC Oates).

 

Glaciale blancheur ! Et son habitude (où diable Chuck Palahniuk est-il allé chercher cela?) de s’allonger dans une baignoire de glace pilée avant de se rendre sur un plateau ou d’apparaître en public. Nue dans sa baignoire, droguée pour échapper à la douleur, allongée dans la glace pendant des heures, elle en ressortait avec les seins solides et dressés, et le cul qu’elle voulait pour travailler.

 

Reposant dans son bain, immergée, sauf la tête et les épaules, de sorte que les tétons rosés de ses petits seins fermes nageaient sur la surface, douces îles…

Marilyn photomatons... ?

Marilyn photomatons... ?

Et tout d'un coup, fou de sa moue, on se prend pour De Kooning, ou pour Twombly (avec ses blancs sur blancs) avec ces... "seaux de peinture blanche que j’ai achetés un jour où j’y croyais soudain. J’ai rassemblé les photos de l’arctique et de l’antarctique que j’avais découpées dans les journaux… j’ai commencé à garder des photos surexposées, à collectionner les lumières crues, à transformer mon éclairage en achetant des lampes à pied et des lampes de bureau blanches, de grands lampadaires halogènes blancs." (Cécile Wajsbrot)

 

On ne trouvera jamais d’ombre dans les icônes puisque la lumière ne doit jamais venir d’un point particulier. Elle baigne le tableau.

 

Bain d’or et de blanc.

 

En 1962 Warhol peint Marilyn sur un fond d'or. Il épouse là le kitsch suprême de l'église catholique, glorifiant l'Image, suggérant une "légende dorée", dans un culte qui pourrait être mis en rapport avec le catholicisme uniate de ses parents, une religion qui chez lui, est proche de la superstition.

 

L’analyse dans un laboratoire de chimie des restes de Diane de Poitiers nous apprend qu’elle buvait de l’or, chaque matin : ses cheveux tombaient en paillettes dans son cercueil. Quatre siècles après sa mort, on comprend enfin son teint de porcelaine et sa beauté de fillette sur tous ses portraits.

 

Comme nous le rappelle Jakuta Alikavazovic dans "La blonde et le bunker", au début du XXème, on détruisait les pellicules pour en récupérer les sels d’argent (on prétend que 90% des films muets connurent ce sort dont « the divine woman », avec Greta Garbo, dont on pressa l’aura pour en extraire le métal précieux.

 

Les archives Bettmann riches d’une dizaine de millions de clichés originaux (dont celui d’une robe blanche soufflée par l’air d’une grille de métro, et rabattue par une jeune femme qui en paraît ravie et sereine, plutôt qu’inquiète) ont été déplacés en Pennsylvanie, à 67m de profondeur, dans une chambre forte (et froide) creusée dans le calcaire.

Jeune femme se déshabillant dans le film porno qui... ne trouva pas preneur

Jeune femme se déshabillant dans le film porno qui... ne trouva pas preneur

"Et ce film porno dans lequel joua dans sa jeunesse, une actrice culte- la blonde par excellence- que l’on évitera de nommer par pudeur et par peur de la facilité - film porno n’existant qu’en deux exemplaires, en deux bobines dont l’une fut acquise aux enchères pour un prix défiant l’entendement, par un collectionneur – non pour voir l’enregistrement mais au contraire pour éviter qu’il ne soir vu, pour éviter à l’actrice morte cette souillure qu’est le regard du monde. Une œuvre acquise pour être cachée et peut être détruite : ce que l’enchérisseur, sans doute pour avoir la paix, affirma avoir fait – j’ai mis le film au soleil, il a pris feu tout de suite, tout seul. La vidéo est aujourd’hui virale et disponible en libre accès." Mais cette dernière est fort probablement un fake puisqu'il a été impossible, en 2011, de vendre aux enchères sa version originale datant de 1946.

 

"... ses poils pubiens décolorés, en partie rasés, comme électriques... Elle s'était assidument épilée, pour être aussi lisse qu'une poupée... la superbe poupée sexuelle mécanique de président, une poupée blond platine gonflable... et en l'imaginant ils le verraient, une ombre de con! Une ombre de coupure! Une ombre de néant entre les voluptueuses cuisses crème de la femme! Comme si cette ombre était l'eucharistie même, chargée de mystère." (JC Oates).  

La chatte de... Warholisée, "Mais qu'est ce que c'est que ce trou perdu, Suis je en pays Zoulou, Mais non voyons suis je dingue, Je suis à Marilou..."

La chatte de... Warholisée, "Mais qu'est ce que c'est que ce trou perdu, Suis je en pays Zoulou, Mais non voyons suis je dingue, Je suis à Marilou..."

Warhol répétait l’image de façon à donner l’idée que l’objet tremble. On pourrait donc inventer une version à la Gerhard Richter de notre Marilyn. A la recherche d’un flou « nostalgique ». Comme un voile de désuétude, un papier chiffonné et froissé pour bien enrober et glisser au fond de sa poche l’image fétiche. Un frisson froissé. Pour cacher et préserver. Ce n’est plus le secret comme sécrétion mais la nostalgie comme ver à soi(e). Chrysalide.

 

Paradoxale Marilyn qui raccourcissait toujours un de ses talons, pour avoir une jambe plus courte et obliger ses fesses à se frotter l’une contre l’autre quand elle marchait. Mais qui rêvait d’être respectée comme une intellectuelle. Ce qu’elle devenait quand elle voyageait sans maquillage, sans vêtements de stylistes, avec ses fameux cheveux attachés sous un foulard, se cachant derrière des lunettes à monture en écailles. Elle se faisait alors appeler Zelda Zonk.

Marilyn, Marilyn, Marilyn...

Marilyn, Marilyn, Marilyn...

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