Congo

par jms  -  10 Janvier 2013, 15:27

Fusain et huile (+collage)

Fusain et huile (+collage)

Le Congo !

 

Résonnances….

 

Approche en bateau. Les yeux rivés sur l’infinie bande grise et touffue telle que notée par tous les voyageurs qui longent ses côtes démesurées.

 

« La grande muraille végétale, masse exubérante et enchevêtrée de troncs, de branches… comme une invasion déchaînée… une vague roulante de végétations, dressée, ourlée… » (Conrad)

 

Le soir tombe. Rapide, comme toujours sous les tropiques.

 

« Le ciel… paradait tout giclé d’un bout à l’autre d’écarlate en délire, et puis le vert éclatait… après ça le gris reprenait tout l’horizon et puis le rouge encore, mais alors fatigué le rouge et pas pour longtemps… toutes les couleurs retombaient en lambeaux, avachies sur la forêt comme des oripeaux… » (Céline)

 

Et puis « La lune avait étendu une pellicule d’argent… sur le grand fleuve que je voyais briller, briller par une sombre échancrure… » (Conrad)

 

« … un fleuve énorme, que l’on voyait sur la carte, tel un immense serpent délové, la tête dans la mer,… la queue perdue dans les profondeurs du continent. » (Conrad)

 

Alors on pénètre la jungle.

 

Montage (Rousseau, Alechinsky et Oliveira)

Montage (Rousseau, Alechinsky et Oliveira)

« … la nuit avec tous ses monstres entrait dans la danse parmi ses mille et mille bruits de gueules de crapauds… des arbres entiers bouffis de gueuletons vivants, d’érections mutilées, d’horreur. »(Céline)

 

« …l’odeur âcre d’Afrique… son lourd mélange de terre morte, d’entrejambes et de safran pilé. » (Céline)

 

Pastel à l'huile

Pastel à l'huile

Exploration. Expropriation. Exploitation.

 

« Sur cette sorte de damier aux cases jaunies, des lignes incertaines, comme tracées par une main débile, dessinent les cours des rivières et l’orientation des chaînes de collines, mais de vastes espaces sont vierges de toute indication et sur le parchemin se découpent seulement, come les côtes d’îles et de continents, les contours boursoufflés des tâches de moisissures. » (Claude Simon)

 

Avant que ne s’installe et ne prenne ses aises…

 

« … quelque monstre, quelque furieux et gigantesque saurien au nom fabuleux de titan, de société minière ou de constellation se convulsant, écrasant sous son ventre de terre, ses millions de tonnes, la fange verdâtre et puante des marécages et des forêts invisibles. » (Claude Simon)

 

Montage perso (Doig, Alechinsky,...)

Montage perso (Doig, Alechinsky,...)

Une matière première africaine qui rend les sociétés exploitantes florissantes. C’est comme cette houille grasse que l’on ne cesse d’extraire des profondeurs de la terre, tellement « enrichissante » que les bouches amenant à ses entrailles (comme à Zollern près de Dortmund) se décorent de volutes art nouveau et « nature », comme pour mieux cacher les noirs esclaves dans leurs obscures tuyauteries.

 

« Le mazout, dont on m’a rempli les soutes, c’est celui du consortium British Petroleum» (Gainsbourg). Avec sa consonance latine ! C’est au conseil d’administration qui honorera sa façade de la plus belle et de la plus blanche colonnade possible. La maison blanche !

 

Ce noir Congo, trou blanc sur les cartes, s’accompagne d’une étrange déhiscence en Europe où fleurissent des floconnements crémeux et des marbres en émulsion. Un obscène palais bruxellois se bâtit en parallèle du drame, comme pour recouvrir à l’avance la gigantesque fosse commune de cadavres noirs qui se creuse, infernal tonneau des danaïdes troué. Un blanc qui saura aussi s’étaler pompeusement sur les tourelles à la Sainte-C(h)rème du « Sacré Cœur », pour effacer les traces du crime, laver les tâches de tous ces sales communards noirs de crasse.

 

Obscénité. Un joli mot, un O qui déploie sa queue.

 

« Et c’est entre les anges joufflus et les courbes de shell, dans cette superficialité étouffante, paludéenne, dans ce déchaînement de frivolité, parmi une prolifération de stucs, lianes de plâtre, flammes de verre, au milieu de cette prospérité monstrueusement légère, de cette inexpression foisonnante, de ce désir inouï de ne rien dire mais de ruminer, de racasser, de remuer sa paille dans son verre, avec toute cette sexualité qui s’ignore et s’expose ingénument, vases chinois, mandarines, fouillis de branches et de griffes, rondes de satyres, espiègleries hideuses de petits monstres, qu’on va se pencher sérieusement sur le destin de l’Afrique. » (Eric Vuillard)

 

Huile sur carton perso

Huile sur carton perso

Chalk, Luc Tuymans, 2000

Chalk, Luc Tuymans, 2000

Et bien plus tard… cent ans ont passé et toujours l’horreur.

 

« Quand j’ai vu « Chalk » pour la première fois j’ai contemplé longuement ces deux mains minces, brunes noires sur l’or du fond, qui me tendaient deux je ne sais quoi blancs de petite taille comme si je, par jeu, devais choisir une de ces deux choses pareilles, c’étaient peut être des friandises ?... ces bouts de craie seraient, dit-on, ce qui est resté d’un Lumumba assassiné traîtreusement puis plongé dans un bain d’acide. » (Hélène cixous)

 

Alors qu’Hergé dessine des stéréotypes qui auront la vie dure. On parle en bande dessinée de la ligne claire d’Hergé !? Joli euphémisme. Mais on rigole jaune, « …avec des noms comme Grand-Bassam, Petit-Popo, des noms qui semblaient faire partie de quelque farce sordide représentée devant une toile de fond sinistre. » (Conrad)

Congo
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